Pour se rendre à pied au village, depuis la vallée de Mojacar, le visiteur dispose de trois chemins, tracés avec une inégale précision. Quelques chiens, au minimum quatre ou cinq sur le peu de distance qui mène aux premières bifurcations, aboient au bruit de mes pas, se plantent au milieu de la voie, devant les demeures éparses, et veulent mettre en garde du danger qu’ils représentent. Cependant ils laissent passer le promeneur étranger qui ayant été avisé de leur caractère inoffensif, poursuit son chemin, grognant derrière lui sur une certaine longueur.  Après quelques jours leur intervention se limite à un glapissement pour la forme et à peine relèvent-ils leur nez de la poussière, couchés sous le soleil de la mi-journée, bien chaleureux en novembre mais que l’on sait cruel en été.

Une des maisons qui bordent cette petite route porte sur sa façade l’inscription peinte a la main “casa nº14” et des jouets en encombraient l'entrée quand je la vis pour la première fois. Parmi eux une maisonnette de poupée, semblable à une niche à chien portait, elle aussi, son inscription “oficio”. Il se trouve que ce jour-là des canapés avaient été déposés en vue du ramassage, au bord du champ de l’autre coté de la route et composaient un salon quelque peu retourné au milieu des broussailles, avec en arrière-plan la présence particulière de Mojacar la Vieja, pyramide naturelle au sommet aplatit.

Sur l’un des chemins que l’on emprunte pour accéder à la route principale, qui conduit au village, il a été fabriqué un enclôt réduit et couvert pour un petit troupeau de chèvres. Si l’on s’en approche, la femelle menue au pelage noir vous fixera de ses yeux bleus et inquiets, ébauchant quelques grêles pas en arrière, visiblement dérangée. Bientôt son mâle, qu’elle à avisé sans que vous le sachiez, apparaîtra, portant haut sa tête curieuse et exprimant mieux que s’il pouvait parler son interrogation méfiante :

- “¿Digame? ¿ Por quien pregunta? ”.

L’abandon que l’on ressent dans ce paysage poussiéreux à la végétation désertique, est accentué par l’image de son habitat. Parmi les vielles ruines de pierre que l’on y trouve de loin en loin, certaines ont été aménagées, reconstituées avec des matériaux de récupération. Les maisons de construction récente sont souvent encore en chantier, du moins en partie, mais font déjà leur office. Les terrains qui les jouxtent portent les traces de vie de leurs habitants : parfois une caravane, leur linge qui flotte sur les lignes des étendoirs, leurs arbres fruitiers, leurs voitures garées à l’ombre.

Dans une petite cour un parasol couvre une table et deux chaises ainsi qu’un groupe de hauts cactus d’un vert franc et que l’on dirait de plastique tel le mobilier au milieu duquel ils font irruption.

A la tombée du jour un homme et sa fillette s’accoudent au muret qui borde leur terrain et promènent leur regard sur l'extérieur. L’homme fume tranquillement au son radiophonique du cante flamenco del Torta. Trois vielles aux jambes tordues et lentes appuyées sur leurs solides bâtons, gravissent la pente raide du retour. L’homme amusé les complimente :

- “¡Estas viejas! Como caminan!”.